Trois hommes observaient le spectacle sous leurs yeux : quelque chose d'effroyable venait de se produire. Les arbres étaient littéralement maculés de sang et des bouts de viande purulents jonchaient le sol, comme s'ils avaient été mâchés par quelque animal sauvage. Suivre la trace de ce carnage était chose facile – une onde de destruction dessinait un sillon entre les arbres fendus – mais les trois individus hésitaient, était-ce une bonne idée de s'aventurer dans cette direction ?
L'un d'entre eux examina un morceau de chair dégoulinant de sang.
"Ca ne vient pas d'un être humain. Le sang est bien trop foncé." Il l'effleura délicatement de sa main gantée et montra à ses compagnons les bouts de doigts encore fumants.
"Un troll. Vous remarquez comme le cuir brûle ?" Il essuya consciencieusement son gant sur l'herbe avant de se retourner vers les autres.
"Essayons de trouver le reste." Ses deux compagnons dégainèrent simultanément leur arme et se postèrent derrière lui pour continuer leur progression sur le chemin dévasté.
Le sentier courait à travers la vallée rocheuse pendant un certain temps, puis le groupe franchit l'orée du bois pour se retrouver sur une longue crête qui se terminait en falaises escarpées. Une succession de grottes lugubres creusait la paroi de la falaise. Des tas de viande pourrie et des os jaunis jonchaient le sol.
Le sang fraichement versé, qui luisait dans la lumière du soleil couchant, montrait que le combat avait continué jusque dans la plus imposante des grottes. Les hommes s'approchèrent avec prudence de l'antre sinistre. Un courant d'air provenant de l'intérieur propagea des sons étouffés et une odeur si fétide que les hommes durent presque tous se couvrir le nez et la bouche avec leur écharpe.
Soudain, des cris frénétiques emplirent la grotte. Une énorme bête, grande comme deux hommes, sortit en trombe, suivie de près par un nain trapu dont les très longs cheveux étaient dressés sur la tête. Le nain se battait à l'aide de deux haches qui virevoltaient autour de lui dans une danse macabre. Sa poitrine et ses bras nus laissaient entrevoir de larges blessures sanguinolentes. La bête semblait tout droit sortie d'un monstrueux cauchemar. Elle avait des écailles gris foncé, des crocs pleins de bave et des griffes acérées. Elle déploya son long bras filiforme d'un air détaché puis attrapa l'un des hommes dont elle se servit comme gourdin pour frapper le nain. Ce dernier se décala et les hurlements de l'homme cessèrent lorsque sa cervelle vola en éclats sur le sol rocheux.
Les autres hommes se mirent alors à charger pour taillader la bête de leurs épées. Mais ces efforts se révélèrent vains tant la peau du troll était coriace et épaisse. Le nain enfonça profondément ses haches jumelles dans la peau du troll. Les hommes virent alors le pouvoir runique rayonner autour des lames.
Le troll frappa à nouveau, le nain cette fois. Ce dernier recula, mais ne fut pas assez vif : il vola en arrière et du sang gicla d'une nouvelle entaille sur sa poitrine. Une de ses haches tomba près du précipice. Il réussit péniblement à se remettre debout en s'aidant de son autre hache. Profitant du répit laissé par le nain, le troll se tourna vers les hommes. D'un pas lourd et dans un hurlement de rage, la bête s'approcha d'eux. Ils s'apprêtaient à répliquer. Mais rien ne les avait préparés à ce qui les attendait. Un filet de bave infâme jaillit de sa bouche putride et les enveloppa. Ils tentaient désespérément de se débarrasser de la glaire qui brûlait et liquéfiait leur peau. L'un d'entre eux s'effondra dans un amas encore chaud où s'entremêlaient chair boursouflée et vomi de troll. L'autre, plus chanceux, ne s'était fait asperger que sur un côté et se roulait par terre pour essayer de se débarrasser de la substance gluante et corrosive à l'aide de son manteau de voyage.
Une ombre l’enveloppa. Il leva les yeux et s'aperçut que le troll s'approchait pour l'attraper. Des griffes aussi dures que de l'acier se refermèrent sur sa poitrine. Il sentit ses côtes se briser. Des taches violettes virevoltaient devant ses yeux : il lui était de plus en plus difficile de respirer, lorsque soudain, le troll le relâcha. Il s'effondra dans un puissant fracas et faillit l'écraser. Du sang noir, qui jaillissait de sa tête tranchée, se répandit dans la poussière.
Le nain, clopin-clopant, s'avança près de l'homme, puis baissa le regard vers lui. "Quel imbécile", dit-il avant de retourner chercher sa hache.
La société des nains est extrêmement hiérarchisée et sclérosée. Dans un karak, chacun connaît sa place et son rang par rapport aux autres. En effet, lorsque des nains en rencontrent d'autres d’une forteresse différente (pour débattre de la guerre, du commerce ou de la diplomatie), les gardiens du savoir des deux camps commencent par se réunir pour dessiner les arbres généalogiques, discuter des serments, des histoires des uns et des autres, afin de déterminer qui est le plus ancien et si des dettes demeurent impayées. Ces délibérations peuvent durer plusieurs semaines avant que la réunion proprement dite ne commence. Un nain doit s'attendre à naître, vivre et mourir dans cette société rigide, sans presque aucune possibilité d'en sortir.
Il existe toutefois une exception : le tueur.
Les nains n'évoquent pas facilement le culte du tueur avec les autres races, car ils en ont profondément honte. Les tueurs sont peu nombreux, et leur situation ne leur permet pas, en général, de vivre longtemps.
Qui sont donc ces étranges nains qui ne remplissent pas les critères de leur race ?
Avant toute chose, il faut bien comprendre la signification d'un serment pour un nain. Dans la communauté des nains, personne n'est aussi misérable ou lâche qu'un brise-serment. L'honneur est ce qu'il y a de plus précieux. Il est donc intolérable de ne pas tenir parole. Que ce soit voulu ou non, un nain qui brise une promesse n'est plus vraiment un nain. Parmi les races inférieures, une personne qui aurait commis une telle faute pourrait envisager de déménager ou même de se suicider. Chez les nains, en revanche, la honte est un sentiment éternel et le suicide, une réponse lâche qui ne fait qu'aggraver le sentiment de déchéance. Pour un nain, il ne reste plus qu'une seule solution : la voie du tueur.
Une fois cette décision prise, le nain n'appartient plus à aucun clan. Il n'a plus sa place nulle part. Sortir du cadre confortable de la société ordinaire constitue une entorse considérable pour tout nain. Cela équivaut à mettre un citoyen de l'Empire dans le paysage perverti que constituent les Désolations du Chaos. A partir de là, le tueur se considère comme déjà mort, dans la mesure où il a perdu tout ce qui avait de la valeur à ses yeux : son honneur et son clan. Aucun retour en arrière n'est envisageable. Seule la mort peut libérer un nain du serment des tueurs.
Voilà donc ce que recherche un tueur plus que tout. C'est tout simple : un tueur veut mourir. Toutefois, le suicide n'est pas une option chez les nains. C'est pourquoi le tueur cherche l'ennemi le plus dangereux qui soit pour tenter de mourir entre ses mains (ou entre ses serres, tentacules, défenses... bon, vous comprenez). Ce n'est pourtant pas aussi simple que cela en a l'air. Un nain est un effroyable adversaire, de constitution robuste et dont les talents de guerrier sont indéniables. De nombreux nains ont des siècles d'expérience du combat derrière eux, et même sans armure, il est très difficile de les tuer. De la même façon qu'un nain ne peut envisager de se suicider, il ne peut concevoir d'affronter quelqu'un sans se battre à mort. Le tueur peut se mesurer au troll le plus gros et le plus méchant qui soit, il ne se laissera pas massacrer. Un nain se bat toujours dans l'optique de gagner, même lorsque la victoire semble improbable. Un tueur qui ne trouve pas la mort face à un monstre continuera de chercher d'autres ennemis dangereux, jusqu'à ce qu'il trouve celui qui lui ôtera la vie.
Certains des tueurs les plus célèbres ont bâti leur réputation alors qu'ils cherchaient à mourir glorieusement. Toutefois, du point de vue des nains, ces épreuves sont considérées comme des échecs puisqu'ils n'ont pas réussi à trouver la mort ! En effet, on peut trouver le tueur le plus réputé au monde sur les quais d'Altdorf : Gotrek Gurnisson a survécu, avec son compagnon Felix Jaeger, à des aventures tout simplement incroyables. Gotrek se prépare sans aucun doute pour son dernier et glorieux combat contre les hordes de Tchar'zanek.
On trouve peu de tueurs, mais on reconnaît assez facilement ceux que l'on croise. Pour afficher son ultime serment, le tueur teint ses cheveux avec des couleurs vives (orange, en général) et se coiffe soit d'une immense crête, soit de piques agressives, obtenues à l'aide de graisse de cochon. Il ne porte aucune armure. Il refuse de se protéger puisqu'il cherche sa propre perte, mais il conserve une grosse hache et deux petites. Il se bat avec nonchalance, se moque d'être en danger et ne recule devant rien. Il ne cherche pas la pitié et n'en offre jamais en retour. Si vous affrontez un tueur, la mort est une issue inéluctable, que ce soit la vôtre ou la sienne. Habituellement, il parcourt le monde seul, et risque sa vie dans les coins montagneux les plus sombres. En temps de guerre toutefois, les tueurs se réunissent sur le champ de bataille, disposés à mourir, face aux ennemis d'un seigneur nain. Ils n'installent pas leur campement près des autres nains et ne partagent avec eux aucun moment de camaraderie auprès du feu. L'opprobre dont ils sont victimes ne leur permet pas de trouver du réconfort auprès des leurs. Aucun nain ordinaire n'oserait fréquenter ces lamentables brise-serments.
Désormais, la mort marche aux côtés des tueurs sur les champs de bataille de WAR.
info site off
Jeu 29 Jan - 21:17